Lorsqu’un parent entre en EHPAD, la question de l’occupation de son logement se pose légitimement pour les enfants. Selon les statistiques 2023 de la DREES, plus de 750 000 personnes âgées résident en EHPAD en France, laissant souvent un logement inoccupé. Cette situation soulève des interrogations d’ordre juridique, fiscal et pratique pour les familles concernées. L’occupation d’une maison parentale nécessite de respecter certaines règles et formalités pour éviter les complications futures, particulièrement dans le contexte d’un parent placé en institution.

Aspects juridiques et droits de propriété dans l’occupation d’un logement parental

Le parent qui entre en EHPAD conserve l’intégralité de ses droits sur son bien immobilier. Pour habiter légalement sa maison, son autorisation explicite est indispensable, idéalement formalisée par écrit. Cette démarche protège aussi bien les intérêts du parent que ceux de l’enfant souhaitant s’y installer.

Si le parent est placé sous mesure de protection juridique comme une tutelle ou une curatelle, l’intervention du juge des tutelles devient obligatoire pour toute décision concernant le logement. Cette autorisation judiciaire vise à préserver les intérêts patrimoniaux de la personne vulnérable.

Dans les situations d’indivision ou après le décès d’un des parents, l’accord de tous les copropriétaires du bien est nécessaire. Sans consensus entre les héritiers potentiels, l’occupation exclusive par l’un d’eux pourrait entraîner l’obligation de verser une indemnité compensatoire aux autres.

Plusieurs cadres juridiques peuvent formaliser cette occupation, comme le prêt à usage (commodat), la location avec bail, l’usufruit temporaire ou encore la convention d’occupation à titre gratuit. Le démembrement de propriété reste également une solution permettant de distinguer l’usufruit (droit d’utilisation) de la nue-propriété. Cette option s’avère pertinente dans le cadre d’une réflexion globale sur l’avenir du patrimoine immobilier familial, notamment quand des projets de rénovation sont envisagés.

Pour éviter tout conflit futur, la consultation d’un notaire reste fortement recommandée afin de sécuriser l’arrangement familial par un document officiel. Cette démarche permet d’établir clairement les droits et responsabilités de chacun dans cette configuration d’habitat particulière.

Conséquences fiscales et administratives de l’occupation

L’entrée d’un parent en EHPAD modifie considérablement la situation fiscale de son ancien logement. L’établissement devient sa résidence principale tandis que sa maison change de statut. Cette transformation implique plusieurs conséquences importantes à anticiper.

La taxe foncière continue généralement d’être due par le propriétaire, même si son enfant occupe désormais le logement. Pourtant, certaines personnes âgées peuvent bénéficier d’exonérations fiscales, notamment les personnes de plus de 75 ans aux revenus modestes ou les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

Concernant la taxe d’habitation, si l’enfant établit sa résidence principale dans ce logement, il n’y sera pas assujetti. En revanche, si le bien reste inoccupé ou sert de résidence secondaire, il pourrait être soumis à cette taxe. Depuis 2023, chaque propriétaire doit obligatoirement déclarer l’occupation de ses biens immobiliers via son espace personnel sur le site impots.gouv.fr.

Des démarches administratives s’imposent également: l’enfant qui emménage doit signaler son changement d’adresse auprès de tous les organismes concernés et actualiser son contrat d’assurance habitation. Une répartition claire des charges et de l’entretien entre parent et enfant s’avère indispensable pour éviter les malentendus.

Sur le plan pratique, il est intéressant de noter qu’un enfant logé gratuitement ne peut pas percevoir d’aides au logement, la loi excluant le versement d’APL ou d’ALS lorsque le locataire est un ascendant ou descendant du propriétaire. Cette situation nécessite une estimation précise de la valeur du bien pour déterminer l’équivalent des avantages reçus.

Peut-on habiter la maison d'un parent en EHPAD ?

Impact sur la succession et le financement de l’EHPAD

L’occupation gratuite prolongée d’un logement parental peut être considérée comme une donation indirecte rapportable à la succession. Les autres héritiers seraient alors en droit de demander une compensation lors du partage futur, ce qui pourrait générer des tensions familiales.

Pour être qualifiée de donation rapportable, cette occupation doit résulter d’une intention libérale du parent et représenter un appauvrissement corrélatif. Si l’enfant occupant contribue à l’entretien du bien ou réalise des travaux importants, ces éléments peuvent être pris en compte pour rééquilibrer la situation lors de la succession.

Lorsque le parent bénéficie de l’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH) pour financer son séjour en EHPAD, l’occupation gratuite de sa maison peut poser problème. Le département peut considérer qu’il y a un manque à gagner si la maison aurait pu être louée pour contribuer au financement de l’hébergement. Dans certains cas, une contribution financière de l’occupant est exigée lorsque le parent perçoit cette aide.

Plusieurs alternatives existent pour valoriser le bien tout en respectant les contraintes économiques: la location de la maison permet de générer des revenus pour financer l’EHPAD, tandis que la vente du bien peut être envisagée pour couvrir les frais sans recourir à l’ASH. Dans ce dernier cas, si la maison était la résidence principale du parent avant son entrée en établissement, la plus-value réalisée lors de la vente peut bénéficier d’exonérations fiscales sous certaines conditions.

Pour les situations complexes impliquant plusieurs propriétaires ou des considérations urbanistiques particulières, des règles spécifiques s’appliquent, notamment dans le cas d’une construction mitoyenne ou d’un bien partagé. Ces configurations nécessitent une attention juridique accrue pour garantir les droits de chacun.

Les bonnes pratiques pour préserver l’harmonie familiale consistent à formaliser la situation par écrit, obtenir le consentement de tous les héritiers potentiels, documenter les contributions de chacun et, en cas de désaccord persistant, recourir à un médiateur familial avant d’envisager une procédure judiciaire.